SUBMERSION À CLEUT ROUZ

1 février 2021 1 Par Collectif ASPF

Ce samedi 30 janvier, le vent était soutenu, la houle était bien formée. Le coefficient de marée était de 92, alors qu’un 112 est attendu en mars.

Les conditions étaient réunies et il n’a pas été nécessaire d’attendre l’heure de la pleine mer pour voir les flots se déverser de l’autre côté de ce qu’il reste de dune à l’extrémité de l’enrochement de Cleut Rouz et des pieux.

Les unes après les autres les vagues ont emporté le réseau racinaire des oyats laissé à sa partie congrue depuis le dernier coup de vent de l’automne.

Le sable de la plage a été emporté au-delà du fil métallique qui n’empêchait plus depuis longtemps les randonneurs de se rendre sur l’estran, n’ayant plus d’autre accès praticable.

les flots passant par-dessus la dune

Ce sont aussi quelques pieux survivants des derniers assauts houleux qui ont été déposés tels des fétus de paille de l’autre côté du chemin dans la pinède qui va elle aussi disparaitre.

Au matin, quelques marcheurs et sportifs étaient venus constater les dégâts : une quantité incroyable de sable recouvrant la végétation sous les pins, des pieux échoués tels des troncs d’arbres morts, la bordure du cheminement arrachée et la disparition totale de la dune sur une cinquantaine de mètres.

le sable sous la pinède
la bordure et le cheminement

Mais peut-on encore parler de dégâts dans cette situation ?

La mémoire humaine est parfois courte quand celle de la Nature ressurgit du passé.

Il faut en effet se souvenir que les fameux marais de Mousterlin, une pépite du patrimoine fouesnantais, ne sont en effet que des polders, c’est à dire une zone conquise il y a 80 ans quand l’Homme se croyait en mesure de dompter la nature et de conquérir ces marais insalubres pour en faire des terres agricoles. Par une brèche naturelle, comme cela se passe aujourd’hui dans la Mer Blanche, sur l’autre pointe de cette flèche littorale, la mer entrait et sortait de façon naturelle au gré des marées.

Il faut aussi questionner les mémoires pour se souvenir que la mer remontait presque à ce qui est aujourd’hui la boulangerie de Mousterlin. Un témoignage rapporte que l’on se déplaçait en barque dans les marais de Mousterlin.

Il faut se rendre à l’évidence, la mer reprend ses droits dans ce secteur sans que nul ne puisse y faire quoi que ce soit pour l’en empêcher.

Un premier enrochement depuis la pointe jusqu’au blockhaus a été mis en place en 1987.

Puis cet enrochement a été prolongé jusqu’à ce lieu qui nous intéresse.

Depuis des années l’ASPF constate et signale la dégradation de cet enrochement dont les fondations sont déstabilisées. Inexorablement l’édifice s’affaisse et les pierres se désolidarisent. L’ensemble glisse sous l’effet conjugué des coups de boutoir des vagues et de son propre poids. D’un angle initial de 45° lors de la construction, nous sommes par endroit à moins de 30°.

Penchons-nous maintenant sur l’extrémité de cet enrochement, au niveau de cet escalier qui n’est plus aujourd’hui qu’un lointain souvenir. Le constat de l’affaissement est visible au premier coup d’œil.

Notez également ce que les spécialistes nomment « effet de bout ». L’arrêt brutal de la construction a entraîné un renforcement des courants et de la puissance des flots qui ont grignoté la dune. L’énergie des vagues y est décuplée et le sable est emporté, le réseau racinaire n’étant pas suffisamment solide pour résister.

La mise en place de 338 pieux fichés dans le sable, solution qui se voulait réversible, n’a pas pu enrayer le phénomène. En l’espace de deux saisons hivernales, la barrière artificielle des troncs de châtaignier a disparu.

Rien n’a pu empêcher la submersion par-dessus la dune et son arasement sur plus de 200 mètres.

Le constat est rude : un enrochement en passe de s’effondrer, une partie de la dune qui a en partie disparu, une autre qui est fortement dégradée et la mer qui s’engouffre dans les marais.

Face à un tel échec, l’humain ne peut que rester humble.

Il faudra bien se résoudre à abandonner le combat devant les évidences.

Pensons plutôt au lendemain. Commençons à réfléchir à aménager différemment cet espace.

Peut-être est-il temps de se dire qu’il faudra que l’Homme recule et abandonne ses installations, qu’ils s’agisse d’habitations ou de zones de camping.

Gageons que le nouvel équilibre qui ne manquera pas de s’établir réservera de belles surprises.