Zone de Kérorié, Centralité : l’ASPF avait vu juste !

22 octobre 2021 5 Par Collectif ASPF

Dans son arrêt du 12 octobre 2021, la Cour d’Appel de Nantes écrit :

Article 1er : La requête du Symescoto (syndicat mixte pour l’élaboration du schéma de cohérence territorial de l’Odet) est rejetée.

Arrêt de la Cour d’Appel de Nantes du 12 octobre 2021

Afin d’éclaircir cet article, il convient de préciser comment est organisé le développement d’un territoire, quels sont les documents produits et qui en sont les rédacteurs.

Nous reviendrons ensuite sur le déroulement qui a conduit à cette condamnation et nous verrons les enjeux qui en découlent.

Fonctionnement

La loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbain) de décembre 2000 a permis la création des SCoT (Schémas de Cohérence Territoriale) qui sont des documents de planification stratégique à long terme, environ 20 ans.

Le SCoT doit respecter les principes du développement durable :

  • «  principe d’équilibre entre le renouvellement urbain, le développement urbain maîtrisé, le développement de l’espace rural et la préservation des espaces naturels et des paysages ;
  • principe de diversité des fonctions urbaines et de mixité sociale ;
  • principe de respect de l’environnement, comme les corridors écologiques, et de lutte contre l’étalement urbain. »

Le ScoT rédige un document d’application, le PADD, Plan d’Aménagement et de Développement Durable.

Concrètement, notre territoire est inclus dans le SCoT de l’Odet qui comprend :

  • la Communauté d’agglomération de Quimper Bretagne Occidentale (14 communes)
  • la Communauté de Communes du Pays Fouesnantais (7 communes)


soit un total de 127.000 habitants.

Le territoire du SCoT de l’Odet

Les communautés de communes concernées se sont regroupées au sein du Symescoto (Syndicat mixte d’études pour l’élaboration du schéma de cohérence territoriale de l’Odet) dont la mission est d’élaborer le SCoT.

Historique

Le 6 juin 2012, sous la présidence du maire de Quimper, la première version du document a été approuvée.

Mais en 2014, les élections municipales faisaient basculer la présidence.

Le 8 juillet 2016, le Symescoto décidait de modifier le volet commercial du ScoT de l’Odet pour plus de “souplesse”. Résultat : les mêmes qui défendaient soi-disant, l’attractivité du centre ville permettaient encore et toujours de créer des commerces en périphérie.

En septembre 2016, dans le cadre du contrôle de légalité, le préfet émet des observations qui « fragilisent le document ».

En particulier il pointe le secteur de Kérorié qui a été intégré au Secteur d’Implantation Préférentielle Périphérique (SIPP) mais qui est en contradiction avec la Loi Littoral. Le secteur n’est pas en continuité avec un village ou une agglomération.

Le préfet précise aussi que la commission a émis un avis défavorable, estimant que « la balance avantages / inconvénients est nettement défavorable » en ce qui concerne cette modification.

L’ASPF avait déposé une requête devant le Tribunal Administratif contestant cette modification numéro 1.

Le 8 novembre 2019, le Tribunal Administratif donne raison à l’ASPF et annule la modification numéro 1 du ScoT de l’Odet.

Ce jugement a été contesté par la partie adverse devant la Cour d’Appel de Nantes.

Le 12 octobre 2021 la Cour d’Appel confirme le jugement de première instance et condamne le Symescoto.

Éclairage sur le modification numéro 1

Le Symescoto avait validé ces propositions :

  • élargissement de la définition des centralités,
  • abaissement du seuil d’une surface commerciale de 400m² à 200 m² pour permettre son implantation au sein d’une centralité (1),
  • création de nouvelles zones d’implantation situées en dehors des centralités.

(1) Avant la modification numéro 1, la taille minimale d’un commerce pour s’installer “hors centralité” était de 400 m2. Avec la proposition de modification, il serait possible d’installer de plus petits commerces (de 200 à 400 m2) hors des zones de centralité, ce qui viderait littéralement les centres-villes.

Jugement

En première instance, les juges avaient retenu des incohérences dans les orientations et objectifs du PADD, plus particulièrement les orientations visant à :

  • « développer et conforter une offre de proximité et de qualité (notamment en équipement de la personne, loisirs…) dans les centres-villes, bourgs et les quartiers » et
  • « contenir la création ou l’extension de vastes zones d’activités commerciales »

Les juges de la Cour d’Appel confirment la décision de première instance et considèrent que la modification numéro 1 du ScoT a pour effet « d’ouvrir plus largement les possibilités d’implanter des commerces, même de surfaces modestes, en dehors des centres-villes, des bourgs et des quartiers et de développer les zones d’activités commerciales dédiées, ce qui va à l’encontre des orientations précitées du projet d’aménagement et de développement durable ».

Les juges estiment que la notion de « centralité » définie par le Symescoto est trop large et « n’est plus synonyme de centre-ville ou centre-bourg ».

Ils affirment qu’abaisser le seuil de 400 à 200 m2 est contraire aux objectifs du PADD car il favorise l’installation de petits commerces hors centralité et vide ainsi les centre-villes.

Le PADD est censé « contenir la création ou l’extension de vastes zones d’activités commerciales ».

Pour répondre à cet objectif, il était prévu que la « délimitation des zones commerciales périphériques devra se faire au plus proche des commerces existants » et que « le potentiel de développement devra se contenir à de la densification du secteur et à du renouvellement de friches et bâtis existants ».

La délibération du 8 juillet 2016 crée plusieurs secteurs d’implantation préférentielle périphériques dont celui de Kerorié, en continuité avec la zone d’activités de Park C’Hastel et de l’agglomération de Fouesnant. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le secteur ne comporte ni friche ni bâti existant car il a été créé de toutes pièces sur des parcelles agricoles.

En conséquence, « la création du secteur d’implantation préférentielle périphérique de Kerorié présente une incohérence avec le document d’orientations et d’objectifs du schéma de cohérence territoriale de l’Odet ».

Conséquences

Nous avons déjà traité des incohérences dans la stratégie de la CCPF au travers de notre article du 14 avril 2021 (https://www.aspfasso.fr/2021/04/droit-de-reponse-parc-dactivites-des-glenan/).

L’arrêt de la Cour d’Appel nous donne aujourd’hui raison. La zone de Kérorié est aujourd’hui illégale !

Cela remet en question les projets démesurés qui ont un impact fort sur notre environnement.

Il en est ainsi d’une trop forte consommation foncière qui a entraîné l’annulation du PLU de Fouesnant le 4 décembre 2020.

Il est regrettable que l’ASPF ait mené seule ce combat alors que la CCI aurait du en être le fer de lance pour protéger le commerce de proximité.

Centralité à Fouesnant

Ainsi qu’il a été écrit dans les lignes précédentes, la modification numéro 1 a des conséquences en matière de centralité en ce sens qu’elle aurait pour effet de pousser les petits commerces à s’installer hors du centre ville.

Pourtant les ambitions affichées semblent être bien différentes si l’on en croit les lignes du magazine municipal ou bien l’affichage officiel en entrée de bourg.

Osons croire que nos décideurs sauront raison garder et accepter les décisions de justice.