PPRL : ERREURS OU FAUTE ?

9 novembre 2022 8 Par Collectif ASPF

Peut-être avez-vous, comme nous assisté à la réunion publique donnée à l’Archipel le 12 octobre dernier. Il y était question des risques encourus par les communes, plus particulièrement les risques littoraux.

Le diagnostic est aujourd’hui clairement établi quant à la hausse future du niveau de la mer.

À cela s’ajoute un dérèglement des conditions climatiques.

Ainsi de fortes précipitations mêlées à de forts coefficients de marée et des vents orientés au sud conduisent inévitablement à un risque de submersion.

Il convient dès lors de protéger les biens et les personnes.

Une réunion publique réglementaire

Ainsi, ce 12 octobre 2022, les maires des 3 communes concernées, La Forêt-Fouesnant, Bénodet et Fouesnant, étaient présents pour répondre aux questions à la suite d’un exposé.

Nos trois communes ayant une importante façade maritime, elles sont en effet concernées par le Plan de Prévention des Risques Littoraux, PPRL« Est Odet. »

Ce document contractuel définit les secteurs pouvant être couverts par un risque de submersion marine dans ses parties basses. Il a été signé le 12 juillet 2016 par le préfet du Finistère.

Ces documents sont accessibles à tous via ce lien :

PPRL EST ODET

Un premier rapport historique énumère les situations vécues sur le littoral.

Une analyse des aléas (érosion, submersion) en lien avec les enjeux territoriaux (espaces naturels, aménagements urbains présents ou à venir) conduisent à l’établissement d’un zonage réglementaire.

Les cartes établies affichent un code couleur sur les parcelles sujettes à un risque de submersion dont la couleur varie crescendo en fonction du risque calculé : zone orange, zone bleu, zone rouge, zone rouge hachurée.

Voyons maintenant des situations locales qui ont été jugées et dans lesquelles il est avéré que les textes réglementaires n’ont pas été respectés.

Les situations sur notre territoire

La STEP

La station d’épuration des eaux usées de Fouesnant située Hent Mes’hour à Fouesnant a subi des travaux de restructuration et d’extension.

vue aérienne de la STEP

Notre association avait saisi le tribunal administratif de Rennes.

Dans son jugement du 16 avril 2021, les juges écrivent « qu’une partie de l’un des nouveaux bassins ainsi qu’une partie du bâtiment d’exploitation à créer sont situées en zone bleue du plan de prévention des risques littoraux Est Odet correspondant à un aléa faible de submersion marine en zone naturelle, à proximité directe du ruisseau du Quinquis, qui est pour sa part identifié pour l’essentiel en zone rouge. »

Nous avons soulevé les risques inhérents à une submersion sur une usine de traitement des eaux usées en cas de dysfonctionnement lié à la submersion marine.

Les 6 nouveaux bâtiments créés doivent, pour des raisons techniques, respecter le « fil de l’eau ».

En revanche, l’implantation du bassin ainsi que le bâtiment d’exploitation auraient pu être établis au-delà de la zone bleu à une vingtaine de mètres seulement.

Enfin, que penser de ces propos du juge qui estime que « par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la réduction de la vulnérabilité de la station existante ait été étudiée pour en diminuer le coût des réparations et que des mesures nécessaires et adéquates ont bien été prévues pour ne pas aggraver le risque de submersion marine. »

Au bas mot nous sommes sur un dossier bien mal ficelé…

La mairie a fait appel de la décision.

Le dossier G. au Vorlen

Voici une situation pour le moins… surprenante que nous avions déjà évoquée dans un précédent article.

Plan de zonage de Beg-Meil, secteur du Vorlen

La parcelle en question sur laquelle le maire de Fouesnant avait accordé un permis de construire se trouve dans le secteur du Vorlen, pour l’extension et la rénovation d’une maison.

Le projet, là encore, est situé en partie en zone rouge du PPRL. Les contraintes les plus fortes s’appliquent donc pour l’ensemble du projet.

Cette fois, c’est le préfet qui a déféré l’arrêté du maire.

En spécifiant que les travaux envisagés allaient entraîner une artificialisation des sols et provoqueraient le risque pour les parcelles contiguës, il invoque la sécurité des biens et des personnes.

Un permis d’aménager pour 2 constructions

La parcelle dont il est question dans ce deuxième cas se situe également au Vorlen, à Beg-Meil, à une centaine de mètres du dossier évoqué ci-dessus.

Il nous apparaît surprenant qu’une « erreur manifeste d’appréciation » s’y renouvelle.

L’arrêté du maire de la commune de Fouesnant du 17 mai 2021 […] est annulé en tant […] que l’arrêté du 17 mai 20121 autorise un aménagement nouveau et un remblaiement du terrain d’assiette en zone rouge en méconnaissance des dispositions des articles 1er et 2 du chapitre 4 du règlement du plan de prévention des risques littoraux Est Odet […]

jugement du TA de Rennes du 28 octobre 2022

Le terrain abritait une ancienne habitation et un commerce aujourd’hui incendiés. Il est situé en partie en zone rouge et en zone bleue du PPRL.

Le maire de Fouesnant avait autorisé le permis d’aménager afin de lotir et de créer une voie d’accès et 2 habitations.

Rappelons au passage que le préfet avait demandé l’annulation de cet arrêté délivré par le maire.

Le projet de lotissement prévoit un remblaiement important de presque l’intégralité de ce terrain de 2 096 m2 , y compris dans sa partie située en zone rouge. Le remblaiement projeté, compris entre environ 1 à 1,62 mètre, aurait pour effet de créer un terrain en surplomb des terrains voisins et, ainsi, de rompre la pente existante descendant d’ouest en est vers la zone rouge.

Ce remblaiement constituerait, par son implantation et ses dimensions un obstacle au libre écoulement des eaux d’une importance tel qu’il doit être regardé comme de nature à accentuer le risque de submersion des parcelles voisines

De plus, si les futures constructions sont prévues sur la zone bleu, la voie d’accès traverse la zone rouge. Or le plan de prévention impose que les dispositions les plus contraignantes soient appliquées, donc celles relatives à la zone rouge.

« Seuls peuvent être autorisés en zone rouge les exhaussements liés à un projet également autorisé dans cette zone » note le juge.

Ce n’est pas l’ASPF qui a saisi le Tribunal Administratif, mais les voisins.

Nous avons eu accès au jugement du TA du 28 oct 2022

L’arrêté du maire de Fouesnant a été annulé en raison de 3 vices dont “l’autorisation d’un aménagement nouveau et d’un remblaiement du terrain d’assiette en zone rouge et d’une erreur manifeste d’appréciation au regard de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme compte tenu de la hauteur et de l’étendue du remblaiement qu’il autorise.”

Encore une erreur manifeste d’appréciation…

La SCI du Cap Coz

Les dramatiques incidents de la Faute-sur-Mer à la suite du passage de la tempête Xinthya en février 2010 ont causé la mort de 29 personnes.

Cela a eu pour conséquence de contraindre ce type d’habitation à créer une zone refuge à l’étage afin de réduire la vulnérabilité des biens et des personnes.

Un arrêté du maire de Fouesnant du 22 juin 2022 autorisait la surélévation d’une toiture et la création d’une surface de plancher supplémentaire.

Extrait du plan de zonage du PPRL

Le projet se situe au Cap Coz dans la zone rouge hachurée noire du PPRL c’est à dire soumise à des chocs mécaniques des vagues.

La zone rouge hachurée noire proscrit toute construction nouvelle hormis les travaux liés à un espace refuge.

Le PPRL permet d’offrir un diagnostic de vulnérabilité d’une construction afin d’apprécier le risque et de déterminer la solution la mieux adaptée, comme par exemple la création d’une zone-refuge.

Or le bâtiment existant dispose déjà d’une surface disponible de 30 m² à l’étage.

La création de 42 m² supplémentaire serait « de nature à permettre d’augmenter le nombre de personnes exposées au risque de submersion et n’est pas justifié au regard de l’objectif de réduction de la vulnérabilité de la construction au risque de submersion dans cette zone « rouge hachurée noire » où les travaux sont strictement encadrés et limités. »

Aucun diagnostic n’a été intégré au dossier ce qui aurait rendu toute demande de travaux irrecevable.

Erreurs manifestes d’appréciation du maire

Au moins, nous relevons une constance dans l’attitude du maire de Fouesnant à délivrer des permis de construire en zone d’aléas du PPRL.

À chaque fois, il est question d’erreur manifeste d’appréciation.

Une telle succession d’erreurs s’apparente à nos yeux à une faute !

Nous n’utiliserons pas le terme de récidive, mais nous sommes néanmoins surpris que les annotations multiples des juges ne soient pas prises en compte par le maire, ses conseillers ou ses avocats.

Rappelons que, pour chaque dossier qu’il défend devant les tribunaux, ce sont les deniers publics qui sont utilisés.

Enfin, nous nous félicitons qu’à travers cet article, nous pouvons apporter les réponses que le maire de Fouesnant n’a pas voulu transmettre lors de la réunion publique du 12 octobre 2022.

Une réalité à Fouesnant

Un secteur de Fouesnant illustre à merveille la problématique du risque de submersion marine.

C’est d’ailleurs en cet endroit que nous avons rencontré des étudiants de l’École Nationale Supérieure du Paysage de Versailles.

Au passage, nous nous réjouissons d’être des interlocuteurs reconnus sur le territoire du Finistère sud.

Le site est emblématique à plusieurs égards :

  • Des aménagements ont été faits par l’homme pour conquérir la mer et la contenir.
  • Ces aménagements protègent des zones urbanisés (habitations), des zones à prédominance touristique (camping) et un site d’intérêt public (STEP).
  • Les aménagements de protection périclitent et s’avèrent inefficaces.
  • La protection naturelle (dune) s’affaiblit.

Fort de toutes ces observations, nous trouvons irresponsable la politique urbanistique outrancière fouesnantaise au mépris des règles.